Affaire Turki: Interpol contredit la version du Maroc
La disparition du journaliste Jamal Khashoggi avait fait remonter à la surface des affaires similaires de Saoudiens exilés qui ont été ramenés de force dans le royaume wahhabite, puis n’ont jamais redonné signe de vie, comme ce fut le cas pour Turki Bin Bandar, ancien chef de la sécurité des Al-Saoud, arrêté au Maroc en 2015, puis transféré vers l’Arabie saoudite.
Rabat avait livré à la mi-octobre des explications sur cette affaire reconnaissant avoir arrêté le prince en dissidence mais prétextant qu’il était recherché par Interpol et l’avait de ce fait extradé vers Riyad en niant qu’il s’agissait d’une « disparition ».
Le prince Turki bin Bandar bin Abderrahmane al Saoud a été arrêté à l’aéroport de Casablanca le 11 novembre 2015 alors qu’il se rendait à Paris sous le coup d’un « mandat international délivré le même jour par Riyad pour atteinte à l’ordre public via Internet et à des crimes financiers », a déclaré une source diplomatique marocaine à l’ AFP.
« Ce n’est pas une disparition, comme l’ont décrit certains médias, mais une procédure normale », a déclaré le ministre marocain de la Justice, Mohamed Aujjar, à l’AFP.
« Les deux phases, administrative et judiciaire, ont été respectées après l’arrestation de celui-ci sur la base d’un mandat d’arrêt international », a-t-il ajouté, affirmant par ailleurs à l’agence AP que la « Cour suprême du Royaume avait ordonné l’extradition de Turki Ben Bandar et que son arrestation a été menée conformément à des procédures judiciaires strictes ». Des propos répétés en substance dans un communiqué diffusé par le ministère de la justice qui soulignent que « le Maroc tient à rappeler que tous les actes d’extradition se fondent toujours sur une décision de justice, conformément aux procédures internationales et dans le respect total de la législation nationale garantissant les droits et libertés fondamentales à tous les justiciables ».
Ces déclarations officielles de Rabat ont été faites après que Le Monde eut publié un article intitulé « Avant Khashoggi, d’autres dissidents saoudiens ont disparu mystérieusement » dans lequel il décrivait l’expulsion de Turki Bin Bandar, il y a trois ans, comme « une extradition de complaisance ».
L’article indiquait que Bin Bandar était entré en dissidence avec la famille royale saoudienne à la suite d’un conflit foncier et qu’il avait « posté des vidéos sur YouTube appelant à des réformes ».
Or, dans un article publié le 4 novembre, intitulé « La campagne saoudienne pour enlever et faire taire ses rivaux à l’étranger remonte à plusieurs décennies », le Washington Post rapporte que l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) « n’a publié aucune notice » sur le prince saoudien Turki Ben Bandar.
« Le gouvernement marocain a récemment déclaré qu'il avait extradé le prince Turki bin Bandar vers l'Arabie saoudite afin qu'il se conforme à un mandat d'Interpol. Mais dans une déclaration, Interpol a déclaré qu’il n’avait publié aucun avis à son sujet, ni pour lui, ni pour les princes Saud et Sultan », a précisé le média américain.
Interrogée par Yabiladi, Interpol contredit de nouveau la version de Rabat : « Le secrétariat général d’Interpol n’a pas émis de notice de quelque nature que ce soit, ni de diffusion relative à cette personne », en référence au prince Turki.
« Toutes les demandes d’arrestations internationales ne sont pas faites via Interpol », précise la même source, ajoutant que « chaque pays membre peut décider de coopérer l’un avec l’autre en dehors des canaux d’Interpol, sur la base de tout accord bilatéral conclu entre eux ». D’ailleurs « Interpol n’émet pas de mandat d’arrêt (…) les diffusions de notices rouges et de personnes recherchées ne sont que des alertes et que les pays membres ne sont pas obligés de donner suite à ces demandes ».
Les autorités marocaines n’ont pas commenté le démenti d’Interpol.
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