Art Hassan Bourkia offre des écrins sublimes aux vins centenaires de Ouled Thaleb
« Un siècle de passion et de transmission » a été célébré cette semaine, à l’occasion du centenaire du Domaine Ouled Thaleb. Pour marquer cet événement d’une grande signification, non seulement pour le groupe Ebertec, mais pour l’histoire viticole du Maroc, vu qu’il s’agit de la plus ancienne cave du royaume encore utilisée, le Domaine a choisi de conjuguer la célébration à l’expression artistique.
Déjà, l’art vinicole est célébré à cette occasion par une cuvée spéciale baptisée la Cuvée du Siècle, une édition limitée d’un millier de bouteilles. « Le vin est de l’art. Pour pouvoir faire du bon vin il faut être un artiste, et nous avons la chance d’avoir à Thalvin notre œnologue, Stephan Mario, qui est un vrai artiste et poète », s'enthousiasme Marine Cipière, chef de service viti-vinicole chez Thalvin, filiale d’Ebertec dont relève le Domaine Ouled Thaleb. Cette cuvée 100 % Syrah est issue des meilleures sélections parcellaires du domaine Ouled Thaleb, qui ont donné un vin « des plus qualitatif avec une belle complexité aromatique, longueur et persistance en bouche », décrit-elle.
Cependant, la création d’un cuvée à elle seule ne semblait pas suffisante. D’une part, la symbolique de ce centenaire appelait à une célébration plus prononcée : « Nous avons pensé que 100 ans ce n’est pas rien, et donc il fallait vraiment marquer l’occasion », souligne Cipière. Ce qui a poussé la société à opter pour une façon inédite de pérenniser la symbolique de cette commémoration : « Le vin est un plaisir qui ne dure pas dans le temps et qui ne reste que dans nos mémoires, tandis que l’art est quelque chose que nous pouvons garder indéfiniment. Et donc nous avons pensé à préserver plus longtemps ces moments à travers l’art », ajoute-t-elle.
Pour donner vie à cette cuvée « si spéciale » et « si flatteuse », mais aussi pour immortaliser cette célébration, appel a été fait à un artiste : Hassan Bourkia. Le talent versatile de ce peintre, poète, écrivain, traducteur, garantissait de relever le défi : réaliser des écrins et étiquettes des bouteilles de cette cuvée pour traduire toute une histoire de traditions viticoles ancestrales.
Plus d’un siècle, résumer 2 500 ans d’histoire
Car oui, le Maroc et la vigne, c'est de l'histoire ancienne. La production du vin au Maroc remonte en effet à l’Antiquité, les Carthaginois ayant introduit, il y a plus de 2 500 ans, les vignes au pays, faisant de lui l'un des tout premiers producteurs de vin du monde. La vigne marocaine a ensuite connu un pic de production au temps des protectorats français et espagnol, le royaume ayant servi de refuge pour des viticulteurs lorsque la maladie du phylloxera ravageait en grande partie les vignobles européens dès 1875.
En 1923, la société belge Cockerill s'installe dans la région de Benslimane pour y créer un domaine viticole, le Domaine des Ouled Thaleb. Il s’en suit la plantation de 450 hectares de cépages nobles tels que le Cabernet Sauvignon, le Merlot, le Sémillon et le Sauvignon, et la construction d'une cave de vinification, reflétant le style architectural d'Afrique du Nord. La première vendange, elle, n’aura lieu que trois ans plus tard.
En 1968, la société Thalvin est créée. Elle sera chargée de l’exploitation de la cave du domaine des Ouled Thaleb. Préférant la qualité au rendement, les centaines d’hectares sur lesquels s’étend le Domaine furent complantés uniquement en cépages nobles comme la Syrah. Le Domaine, aujourd’hui le plus ancien du royaume, devint, depuis 2001, la propriété de la société Ebertec, qui continua à le développer avec l’intégration de nouveaux outils de production pour assurer « une qualité optimale », note la cheffe du service viti-vinicole.
Voici donc l’histoire que devait raconter cet artiste à travers des œuvres d’art pas comme les autres. Lui-même grand connaisseur du vin et ayant déjà collaboré avec Ebertec pour la création d’une fresque pour la Bertenders Academy, le matching était parfait. Pour Bourkia, la mission qui lui a été confiée était plus que séduisante. « Dans l’art, tout comme dans le vin, on parle d’ivresse. J’ai trouvé l’idée fabuleuse et c’est une première du genre au Maroc. C’était aussi une première dans ma vie artistique d’essayer de comprendre de si près ce qui se passe dans le domaine du vin ».
Des concepts inspirés de la lumière
Pour Bourkia la mission consistait à raconter « le côté poétique de l’histoire du vin » en donnant forme à la jonction entre deux mondes entremêlés depuis l’Antiquité. « L’art et le vin sont intimement liés, mais le défi était de définir et représenter ces liens entre l’art, le livre, la poésie, la musique, la couleur et le vin », se confie l’artiste. « J’ai commencé par faire des aller-retours pour voir les lieux, pour m’inspirer et compléter l’image. Je rencontrais les organisateurs et les gens qui travaillaient là-bas et j’écoutais ce qu’ils disaient pour connaître le côté technique de la fabrication du vin », raconte-t-il.
L’aventure dans laquelle a embarqué cet artiste s’est cependant avérée plus compliquée qu’il n'imaginait. « Ma lecture de textes de poètes et écrivains qui ont parlé du vin est très profonde. Pourtant, il y avait beaucoup de blocages et l’idée ne m’est pas venue rapidement », nous confie-t-il. « Contrairement à travailler de grandes œuvres, créer des œuvres dans un espace aussi petit qu’une étiquette était très difficile. C’était pour moi une expérience de prisonnier qui veut s’échapper d’un mur. Et donc il m’a fallu beaucoup de temps pour adapter de grandes visions aux petits formats et faire intégrer de grands univers dans un petit espace », étaye-t-il.
Ainsi, tout comme pour élever du vin, le processus artistique pour la création des étiquettes et l’écrin de la Cuvée du Siècle a pris le temps qu’il fallait. L’idée, nous précise Bourkia, a pris près de trois mois pour murir, bien moins que la durée requise pour faire du bon vin, certes, mais « il a fallu attendre. La maison d'édition attendait et les propriétaires du projet attendaient et la pression montait, mais il a fallu encore attendre », lance en riant l’artiste. Puis, poursuit-il, « tout à coup, l’idée m’est venue, en regardant un coucher de soleil dans mon atelier. Je me suis inspiré des bibliothèques qu’y sont installées. Je voyais la couleur du soleil qui brillait sur l'arrière-bibliothèque du studio, et ce fut un moment de révélation. J’ai donc essayé de peindre les étiquettes en essayant de tirer la lumière avec des traits, en imaginant des traits avec des tableaux dedans et en essayant de trouver la relation entre l’ivresse et l’écrivain qui vous tend la main, vous fait entrer dans son univers et vous laisse, d’une manière sereine, errer et flâner ».
Les mêmes éléments, à savoir la lumière, l’air et l’eau ont interagi dans la conception et la création des coffrets distincts de cette cuvée. Celles-ci se sont aussi basées « sur la notion de plaisir et d'érotisme au sens humain général. La boîte s'ouvre sur cette image : le féminin et le masculin, dans ce qui ressemble à de la poussière, l'origine des choses et l'éternel retour, parmi les cendres que l'on croit toujours être la fin de ce qui fut », explique encore Bourkia.
« Rapprocher l’histoire à la mémoire des gens »
Le processus artistique achevé, une tâche de taille devait encore être accomplie, et dans des délais serrés. « Le Domaine c’est 1923-2023 et donc il fallait fêter ça cette année. Cependant, on était déjà au mois de décembre et pour faire tout cela comme on le souhaitait, il fallait beaucoup de temps. Il fallait répliquer 14 œuvres d’art sur 1 000 étiquettes différentes qui sont après découpées et collées à la main, puis faire un coffret manuel, une signature… », détaille Marine Cipière.
Cependant, avec l’implication de tous, les équipes de Thalvin ont pu relever le défi et présenter au public leur création vinicole spéciale, la Cuvée du Siècle, emballée dans des créations artistiques inédites signées Hassan Bourkia. Ces créations non seulement célèbrent les 100 ans du Domaine Ouled Thaleb, mais rendent hommage à l’histoire viticole du Maroc. « J’étais étonné du résultat, parce qu’en résumant un siècle, il y a cette façon d’évoquer le passage de flâneurs, des errants, des tristesses, des rêves, de gens qui étaient … c’est essayer de saisir toute cette intelligence littéraire, philosophique et poétique transmise de génération en génération et essayer de rapprocher de la mémoire des gens le vin en tant que savoir-faire et en tant qu’art qui traverse toutes les cultures », conclut l’artiste.
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